À cette question hypothétique, il faut répondre par l’affirmative puisqu’une éventuelle déclaration de nullité de la disposition de dérogation prévue à la Loi constitutionnelle de 1982, prononcée par l’autorité politique ou judiciaire, ne serait rien d’autres qu’un coup de force constitutionnel asséné illégalement et illégitimement au peuple québécois par le Canada anglais.
Premier coup de force constitutionnel: la Loi constitutionnelle de 1982
C’est en décembre 1982 que le Canada a déclenché son premier coup de force constitutionnel visant à enchaîner le Québec à la Loi constitutionnelle de 1982 contre la volonté de son Assemblée nationale;
En 1981, la Cour suprême avait statué, dans le (Renvoi: Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753) et en 1982, dans le (Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, [1982] 2 R.C.S. 793), que le Québec n’avait aucun droit de veto sur le rapatriement de la Constitution ni sur sa modification et qu’en conséquence il était lié à la Loi constitutionnelle de 1982, au même titre que les autres provinces, même s’il ne l’a jamais signée ni reconnue;
La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit, cependant, à l’article 33, que le gouvernement du Canada et ceux des provinces peuvent, en utilisant la disposition dérogation (clause nonobstant), se soustraire à l’application de certains droits dont celui à la liberté de religion;
Deuxième coup de force constitutionnel: l’annulation éventuelle de la clause de dérogation
En avril 2019, le Québec a décidé d’utiliser à son avantage, dans son Projet de Loi sur la laïcité, la disposition de dérogation (clause nonobstant ou dérogatoire) prévue à la Loi constitutionnelle de 1982;
Dans hypothèse où l’autorité politique ou judiciaire statuerait que ce droit d’utilisation de la disposition dérogatoire, relativement au droit à la liberté de religion, n’appartiendrait qu’au seul gouvernement canadien à l’exclusion des provinces (dont le Québec) et que ce droit ne pourrait être exercé que dans des circonstances exceptionnelles, le Québec subirait alors son deuxième coup de force constitutionnel en 37 ans;
On comprendra alors qu’après avoir forcé unilatéralement le Québec à faire partie de sa Loi constitutionnelle de 1982 et après en avoir édicté unilatéralement toutes les dispositions, dont celle portant sur la dérogation par déclaration expresse (article 33), le Canada ne pourrait plaider la bonne foi en changeant unilatéralement les règles du jeu maintenant que le Québec a décidé de s’en prévaloir dans son Projet de loi sur la laïcité?
Le Québec pourrait-il alors, en guise de riposte, se sortir de la Constitution canadienne et rompre ses liens avec Ottawa?
OUI! Dans ce cas de légitime défense constitutionnelle, le gouvernement du Québec serait justifié, en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (droit universel à l’autodétermination), dont le peuple québécois est tributaire, de demander à l’Assemblée nationale de proclamer unilatéralement que le Québec est maintenant un pays indépendant et séparé de la Constitution canadienne et d’Ottawa;
Me Guy Bertrand avocat et constitutionnaliste